LES CRAMÉS DE LA BOBINE

Main dans la main

mardi 12 février 2013 par Claude

Main dans la main, le dernier film de Valérie Donzelli, est une comédie romantique mâtinée de conte burlesque, avec cette patte inimitable de l’actrice-réalisatrice ici cantonnée dans le second rôle de la sœur de Joachim, le personnage principal joué par Jérémie Elkaim, jeune miroitier de Commercy tombé amoureux par la grâce d’un baiser d’Hélène, directrice de la danse à l’opéra de Paris, incarnée par une Valérie Lemercier plutôt ici à contre-emploi dans une partition assez grave.

Hélène et Joachim se sont donc rencontrés par le plus grand des hasards, le miroitier venant réparer des glaces de l’opéra ; tout les oppose - âge, région natale, métier et milieu social - et pourtant de ce baiser va naître l’ensorcellement, l’enchantement d’un amour-passion qui les maintient collés l’un à l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare. Ils font les mêmes gestes, jusque dans leur façon de se brosser les dents, semblent habités par les mêmes pensées, se retrouvent aussi, plus vraisemblablement, à l’hôpital, autour de Constance, l’amie commune (Béatrice de Staël), qui se meurt d’un cancer.

De cet argument simple, Valérie Donzelli a tiré un film plus léger, plus fantaisiste que "La Guerre est déclarée", dont le point de départ tragique - la maladie d’un enfant - offrait moins de contrepoids à l’humour décalé et burlesque. Elle a surtout tenté un vrai pari, celui de parler de l’amour-passion, du rêve d’un couple fusionnel sur le mode de la légèreté - au risque d’affadir le propos dans des situations répétitives ou par trop synchroniques ou de sacrifier l’humour au poids des sentiments, à la gravité d’une quête, à l’absolu d’une transparence.

Le résultat est intéressant, empreint de poétique fantaisie. Les situations surréalistes, les références à la Nouvelle Vague, avec la voix off truffaldienne, le côté granuleux (et pas toujours heureux) de certaines images seventies, le charme de Valérie Donzelli dansant avec son frère pour préparer un concours TV sous l’œil sévère d’Hélène, et le streap-tease de la chorégraphe en chef pourtant coincée devant le nouveau ministre qui la "démissionne" et , loin de s’imaginer pris au mot, l’appelle à se dépouiller des oripeaux de sa fonction pour la voir s’enrouler et se draper nue mais digne dans un rideau de son bureau... - les effets de surprise les plus cocasses se multiplient et font mouche.

On reste toutefois un peu sur sa faim au plan de la réflexion sur le couple, quand bien même le film nous en offrirait plusieurs versions, amicales ou fraternelles autant qu’amoureuses. Par ailleurs, Jérémie Elkaim, souvent émouvant, à vouloir ressembler à Jean-Pierre Léaud et rappeler la fraîcheur mélancolique d’un Doisnel, surjoue parfois le naturel sur son skate et pose en adolescent craquant plus qu’il ne l’incarne. Quant à Valérie Lemercier, si elle surprend dans ce rôle passionné, elle ne se départit jamais tout à fait de la raideur comique qui l’a rendue populaire mais qui nuit ici un peu à la sincérité du sentiment amoureux. Et si certaines séquences chantées font naître l’émotion, et tout spécialement ce mime en langue des signes de l’air de Gershwin, "The man I love ", si l’opéra Garnier offre un cadre somptueux et solennel a priori propice aux grandes passions, on a parfois l’impression de se trouver en face d’une idée de cinéma bien plus que d’une réalité charnelle : l’amour-haine, la passion qui se nourrit d’une infernale dialectique de l’absence et de la présence, ici réduits à des signes, à des gestes-réflexes peu vraisemblables.

On retiendra en revanche la scène finale et ses images kaléidoscopiques où se déclinent les gestes de l’amour, tendres et accordés dans une répétition aimante et charnelle, scandée par des paroles d’une ineffable tendresse, écho du "Mépris " de Godard et de sa fameuse scène d’ouverture entre Michel Piccoli et Brigitte Bardot.


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