LES CRAMÉS DE LA BOBINE

"Au revoir" du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof

samedi 27 août 2011 par Claude

Cet été, le festival de Prades, qui s’est déroulé du 15 au 22 juillet, a proposé deux superbes films iraniens, dont "Au revoir’ de Mohammad Rasoulof. Ce film, présenté dans la section "Un certain regard" au festival de Cannes 2011 et reconnu par le prix de la mise en scène, a d’autant plus de prix à nos yeux d’Occidentaux que le jeune cinéaste a été condamné avec Jafar Panahi à six ans de prison et à vingt ans d’interdiction de tourner et de quitter l’Iran : libéré en attendant le jugement de son appel, mais risquant à nouveau le même temps de réclusion, il est parvenu à tourner ce film dans des conditions semi-clandestines : avec un budget très serré, une équipe technique très réduite, une caméra numérique achetée à petit prix, le monteur et plusieurs comédiens de renom acceptant de travailler à titre gracieux, un scénario aménagé pour amadouer la censure, en pure perte - il aura fallu le soutien de la Maison du cinéma, une institution indépendante, pour obtenir un visa de tournage !
La reconnaissance internationale du film et sa sortie dans nos salles peuvent-ils apaiser le régime de Mahmoud Ahmadinjab ? Cela semble mal parti : le prix cannois a été ressenti là-bas comme une trahison, une entreprise de défiguration et de démoralisation de l’Iran ; l’œuvre n’a évidemment reçu aucun visa d’exploitation et la haine qu’elle suscite est telle que de faux synopsis circulent pour décourager les spectateurs d’aller la découvrir : intox’ et propagande se déchainent contre une création qui se veut pourtant apolitique, centrée sur la vie quotidienne d’une avocate, privée de licence, qui vit seule, son mari journaliste se cachant dans le sud comme conducteur de grue, et, enceinte, tente de fuir son pays..."Mes films peignent la vie et les situations complexes qui nous entourent. C’est l’intolérance et la précipitation des autorités du cinéma iranien qui donnent une dimension politique à ces situations simples" ; mais, dans un pays totalitaire, tout est politique : "chaque réaction, chaque critique sera considérée comme un geste politique" : lors du précédent tournage, les membre du ministère de la Sureté n’avaient-ils pas arrêté toute l’équipe du film ?

Ce film est d’une rare force et d’une grande sobriété, comme si la modestie des moyens et les entraves à la création rendaient le cadre plus noir, avec ses couloirs sans fin, ses vitres sans tain, son appartement brutalement privé d’ordinateur et d’antenne satellite et ce bureau des passeports où le sésame est indéfiniment, interminablement quêté devant une photo de la tour Eiffel quelque peu ironique...Le huis clos n’en est que plus étouffant et le propos plus intense, d’autant que l’héroïne au combat solitaire, sobre et déterminée, est sans cesse présente à l’écran. Il s’agit bien d’une tragédie, d’un destin plus fort que les êtres qui se débattent, d’un déchirement entre le courage ou la fuite (mais de quel côté au juste se situe le courage ?), entre l’acceptation silencieuse et le renoncement muet à toutes ses attaches : quel silence coute le plus cher ? Vit-on pour soi, pour sa conscience ou pour les autres, pour son pays ?

A cette volonté de partir, que nous suivons presqu’en temps réel, s’ajoute, dans le tempo de l’intimité, un choix personnel : garder l’enfant ou avorter, sans soutien d’aucune sorte (pas même une mère singulièrement froide, comme absente), que des entraves politiques ou administratives...

Un film à voir absolument, sur la soif de liberté et sur un combat sans fin.

Claude


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